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La condition Fawzi 
 

La plupart des Algériens ne savent pas grand-chose de Mohamed Fawzi (1918-1966), si ce  n'est qu'il est le compositeur de leur hymne national, l'un des plus longs au monde avec cinq  couplets, et peut-être le seul qui comporte un avertissement à un autre pays...

avertissement  qui dure depuis sept décennies. Avec son visage ressemblant à celui des bouffons du Moyen 

Âge, ses yeux doux, sa belle bouche et son nez rappelant ceux de ses sœurs Hoda Sultan et  Hend Allam, Fawzi s'était fait connaître avant même l'arrivée au pouvoir des Officiers Libres  en 1952. Il a ainsi participé à des films, chanté et composé de nombreuses chansons, et fondé  une société cinématographique portant son nom. Mais après 1952, il franchit les grandes  portes avec ses chansons patriotiques, prit le train de la révolution et créa le label de disques  Masrphone. Fawzi, qui a composé et chanté Mama Zamanha Gayya (Maman arrive bientôt), 

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a également chanté pour les enfants Zahab Al Lail (La nuit est partie) dans le film Moagezat  Al Samaa (Le miracle du ciel, 1956), dans lequel il prédit l'avenir des enfants qui chantent avec  lui et déclare: "Il est rare que je vienne allumer une bougie avec une bougie / jusqu'à ce que  le jeune enfant grandisse et aille à l'université / Mimi et Souad sont médecins et nous prions  pour eux / Salah devient avocat, et Toto est un juge qui vous réconcilie", sans oublier de  conclure par : "Et demain Essam deviendra officier et vous défendra / La vallée du Nil libère avec sa vitalité, et sa vitalité vient de vous." Et lorsque l'officier grandit, quelques années  après la révolution, et peut-être avec l'indépendance du pays pour lequel Fawzi a composé  son hymne, l'État égyptien nationalisa Masrphone et Fawzi s’y retrouva relégué en tant  qu’employé.

ذهب الليل طلع الفجر - محمد فوزي - معجزة
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Sa santé se détériora par la suite et il contracta une maladie rare selon la  classification des médecins allemands de l'époque, qu'ils appelèrent alors "la maladie Fawzi"  ou " la condition Fawzi ". Plus tard, grâce à une vidéo YouTube sur l'hymne national algérien,  j'ai découvert que le poème Qassaman (Nous jurons) de Moufdi Zakaria avait été composé  deux fois avant Fawzi, une fois en Algérie et la seconde en Tunisie, et que dans les deux cas,  il s’apparentait plus au chant de chorale ou aux prières religieuses. Fawzi est plus tardif, et sa  contribution a été une pierre importante à l'édifice qu’est ce lien entre l'Égypte nassérienne et l'Algérie du Front de Libération Nationale. Mais ce qui est étonnant, et prévisible, c'est que  Mohamed Fawzi aux douces mélodies n'a pas intégré dans ses compositions les battements  de tambours et les percussions de cuivre si caractéristiques de la marche militaire de  Qassaman. Bien au contraire, son hymne est rêveur et fait l'unanimité pour "son caractère  révolutionnaire, avec des réserves sur l'introduction." Plus tard, le compositeur algérien  Haroun Al Rashid (1932-2010) introduisit les rythmes des tambours et des marches, afin de militariser l'hymne national. Le léger mouvement de violon après "et nous sommes  déterminés à ce que l'Algérie vive", orchestré par Fawzi, se transforma avec Haroun Al Rachid  en un fort coup de cymbale, renvoyant alors les Algériens au moment révolutionnaire de 1954  au lieu, peut-être, de les inviter à chaque écoute à rêver avec Mohamed Fawzi.

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